Le numérique occupe une place croissante dans notre société, mais son développement ne se fait pas sans conséquences sur l'environnement.
Une étude prospective réalisée par l'ADEME (Agence de la Transition Écologique) et l'Arcep (Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes) a révélé que sans action pour limiter sa croissance, l'empreinte carbone du numérique en France pourrait tripler entre 2020 et 2050.
L'Étude prospective sur l'empreinte environnementale du numérique
En août 2020, le Ministre de la Transition Écologique et le Ministre de l'Économie ont mandaté l'ADEME et l'Arcep pour réaliser une étude sur l'empreinte environnementale du numérique en France et proposer des actions pour la réduire. Les deux premiers volets de cette étude, publiés en janvier 2022, ont évalué l'impact actuel du numérique dans son ensemble. Le troisième et dernier volet, publié en mars 2023, se concentre sur l'évaluation prospective de l'impact environnemental du numérique à l'horizon 2030 et 2050.
Les prévisions pour 2030
Selon l'étude, si aucune action n'est entreprise pour réduire l'empreinte environnementale du numérique et que les usages continuent de croître au rythme actuel, le trafic de données serait multiplié par 6 et le nombre d'équipements augmenterait de près de 65% d'ici 2030, principalement en raison de l'essor des objets connectés.
Cela entraînerait les augmentations suivantes entre 2020 et 2030 :
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L'empreinte carbone du numérique en France : environ +45% (atteignant 25 Mt CO2eq)
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La consommation de ressources abiotiques (métaux et minéraux) : +14%
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La consommation électrique finale en phase d'usage : +5% (atteignant 54 TWh par an)
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Les prévisions pour 2050
À l'horizon 2050, sans action pour réduire son impact, l'empreinte carbone du numérique pourrait tripler entre 2020 et 2050.
Bien que le développement du numérique puisse contribuer à réduire d'autres impacts environnementaux dans d'autres secteurs, les consommations d'électricité et de ressources posent la question de leur faisabilité dans un monde confronté à des tensions croissantes.
Pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris en 2050, il est donc indispensable que le numérique prenne sa part de responsabilité, nécessitant un effort collectif de toutes les parties prenantes.
Quel est l'impact environnemental du numérique en France ?
Présentation de Raphaël Guastavi, Chef de service Écoconception & Recyclage, Direction Économie Circulaire
Les leviers d'action pour réduire l'empreinte environnementale du numérique
L'étude met en évidence que l'un des principaux enjeux environnementaux du numérique, en plus de son empreinte carbone, est la disponibilité des métaux stratégiques et des autres ressources utilisées pour la fabrication des terminaux.
Pour réduire l'impact environnemental du numérique d'ici 2030, plusieurs leviers d'action sont identifiés :
1. La Sobriété Numérique
La mise en œuvre de politiques de "sobriété numérique" est essentielle pour limiter la croissance des nouveaux produits et services numériques ainsi que la réduction ou la stabilisation du nombre d'équipements.
Il est également important d'allonger la durée de vie des terminaux en favorisant le reconditionnement et la réparation, tout en sensibilisant les consommateurs à ces enjeux.
Les terminaux représentent entre 65 % à 90 % de l’impact environnemental.
Les écrans et le matériel audiovisuel emportent la majorité des impacts.
2. L'Écoconception
L'ecoconception doit être systématisée pour améliorer l'efficacité énergétique des terminaux, des équipements et des infrastructures de réseaux et de centres de données.
Elle doit également être intégrée dans le déploiement des réseaux et services numériques.
3. La Régulation par la Donnée
La régulation par la donnée peut jouer un rôle clé en fournissant aux utilisateurs des informations pertinentes sur les impacts énergétiques associés aux usages du numérique.
Une plateforme de travail intitulée "Pour un numérique soutenable" a été lancée pour favoriser les échanges entre les acteurs du numérique et de l'environnement et contribuer à la réflexion collective.
Les scénarios prospectifs
L'étude a également développé quatre scénarios prospectifs pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Quatre modèles de société ont été conçus par l'ADEME dans le cadre de l'exercice "Transition(s) 2050".
Le scénario "Pari réparateur" qui contraint le moins la demande, conduirait à un quintuplement de l'empreinte carbone du numérique par rapport à 2020.
À l'inverse, le scénario "Génération frugale" permettrait de diviser par deux l'empreinte carbone du numérique. Ce scénario repose sur des transformations importantes dans les modes de consommation et les pratiques, favorisant la transition par la contrainte et la sobriété.
Ces scénarios mettent en évidence l'importance des transformations dans nos modes de vie et de consommation pour réduire l'empreinte environnementale du numérique.
La régulation environnementale du numérique
L'Arcep souhaite faire de l'enjeu environnemental un nouveau chapitre de la régulation du numérique. En collaboration avec l'ADEME, l'Arcep renforce ses travaux pour intégrer l'impact environnemental du numérique dans ses missions.
La loi sur l'Économie circulaire impose aux fournisseurs d'accès à internet d'informer leurs abonnés sur leur consommation et les émissions de gaz à effet de serre associées.
Cette collaboration entre l'Arcep et l'ADEME permettra de sensibiliser les utilisateurs et de développer des actions concrètes pour réduire l'empreinte environnementale du numérique.
En quelques mots...
L'étude prospective sur l'empreinte environnementale du numérique en France souligne l'importance de prendre des mesures pour réduire l'impact environnemental de notre utilisation croissante du numérique.
La mise en œuvre de politiques de sobriété numérique, d'écoconception et de régulation par la donnée est essentielle pour atteindre cet objectif.
Sans action, l'empreinte carbone du numérique pourrait tripler d'ici 2050 !
Il est également crucial d'adopter une approche multicritères prenant en compte l'ensemble du cycle de vie des réseaux, des équipements et des terminaux.
En travaillant ensemble, utilisateurs, fabricants, fournisseurs et opérateurs peuvent contribuer à un développement numérique plus durable et respectueux de l'environnement.
En espérant que la collaboration entre l'Arcep et l'ADEME permettra de faire avancer cette réflexion et de développer des solutions concrètes pour un numérique respectueux de l'environnement.
Juillet 2023 - La CNIL publie son 9e cahier IP, Données, empreinte et libertés. Elle y explore les intersections entre protection des données, des libertés, et de l’environnement.
> Données, empreinte et libertés : la CNIL présente son nouveau cahier Innovation & Prospective
“Le règlement général sur la protection des données (RGPD) et la loi Informatique et Libertés posent pour principe la minimisation des données personnelles et une certaine sobriété dans leur utilisation. Dès lors, ces textes pourraient-ils participer de la protection de l’environnement ?”
> PDF (téléchargement gratuit) – CNIL Cahier IP n° 09 Données, empreinte et libertés